Un air de rockabilly : Lee Rocker et les Spunyboys à l'Élysée Montmartre

30/10/2022

Forcé de reporter deux fois un concert prévu pour 2020 à cause de la pandémie, c'est le 29 octobre 2022 que le contrebassiste Lee Rocker (de son vrai nom Leon Drucker) a enfin pu faire danser des Français de tous horizons à l'Élysée Montmartre.

Compte-rendu d'une soirée chargée en vintage et en twist.


Par Ace, le 30/10/2022 

Temps de lecture : 6 minutes


Lee Rocker, les Stray Cats et le rockabilly

Le rockabilly, c'est un genre musical qui ne parle pas à tout le monde et qui n'est plus tout jeune ; la date approximative de sa naissance serait 1954. Il se caractérise musicalement par un rythme rapide, des sons de guitare rétro et des paroles à thèmes récurrents tels que la gent féminine et les belles voitures. Comme beaucoup de mouvements associés à la musique rock, sa culture est symbole de rébellion et de liberté pour les jeunes.  Popularisé par Elvis Presley, Johnny Cash ou Roy Orbison, le rockabilly a connu une renaissance dans les années 1980, touchant plus profondément le public français par la même occasion (il n'y a qu'à lire un Lucien de Frank Margerin pour s'en rendre compte !)

Le groupe phare de ce nouvel engouement demeure sans conteste les Stray Cats, trois garçons affublés de bananes extravagantes, de tatouages, de tenues colorées et surtout, d'un sacré talent. Avec des morceaux tels que Rock This Town, Stray Cat Strut ou Runaway Boys, ces jeunes américains surfent sur la vague et remettent le rockabilly au goût du jour. Aujourd'hui, leurs glory days semblent loin, mais les Cats continuent de jouer ensemble ou chacun de leur côté à différentes occasions - ils ont même sorti un album en 2019 pour les quarante ans du groupe.

Une présentation des Stray Cats ne serait pas complète sans introduire les musiciens qui se cachent derrière ce nom attirant : à la guitare et au chant, le virtuose Brian Setzer pare chaque morceau du groupe de solos tous plus entraînants les uns que les autres ; Slim Jim Phantom (James McDonnell) parvient toujours à rythmer les chansons avec brio, debout derrière sa batterie minimaliste ; Lee Rocker, quant à lui, impressionne le public en grimpant sur sa contrebasse sans jamais en perdre une note. Ce samedi, c'était à son tour d'enflammer l'Élysée Montmartre, splendide salle située dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Plus de deux heures de concert avec The Spunyboys en première partie.


Petite salle, grand spectacle

Inaugurée en 1807, l'Élysée Montmartre était à l'origine une salle de bal, vaste et magnifiquement décorée à la mode Art nouveau. Décrite par Maupassant et Zola dans leurs romans et par des peintres comme Toulouse-Lautrec dans leurs tableaux, c'est aujourd'hui une salle mythique. Son utilisation a évolué au fil des siècles, passant de lieu de discussion pour différents clubs littéraires à salle de représentations théâtrales ou de concerts. Des artistes de metal, de rap, de reggae ou de rock s'y produisent désormais.

La salle accueille cette fois un public dont la moyenne d'âge se situe plutôt vers les cinquante ans. Le concert commence à 20h, mais dès 19h, me voilà dans le hall avec les premiers arrivés : cheveux gominés ou bananes discrètes, T-shirts à l'effigie des Stray Cats, vestes en cuir, creepers aux pieds, l'Élysée Montmartre devient le rendez-vous des rockers le temps d'une soirée. Une playlist entièrement composée de rock 'n' roll passe en fond et une ambiance de camaraderie règne ; les gens ont la discussion facile, beaucoup n'ont aucun mal à faire connaissance. Derrière la scène -sur laquelle je suis accoudée, c'est vous dire à quel point les artistes sont proches de leur public -, une affiche présente la première partie : The Spunyboys, composé de trois jeunes Français. Une grosse contrebasse est posée au sol, une Fender blanchâtre patiente contre l'ampli Fender et une batterie affublée du logo du groupe trône au centre. 


À 20h pétantes, les Spunyboys font une entrée fracassante ; dès les premières secondes, le contrebassiste fait déjà des acrobaties avec son énorme instrument, le guitariste se déhanche au bord de la scène et le batteur frappe ses fûts avec force. Chaleureux et pas farouches pour un sou, ils interagissent volontiers avec le public et descendent même dans la foule pour interpréter une chanson style country. Après un rappel enthousiaste, des membres de la foule sont invités à monter sur scène pour danser autour des musiciens le temps d'une dernière chanson. Pas moins d'une dizaine de rockers de tous âges - dont des enfants ! - se trémoussent, félicitent les trois garçons et se tapent dans le dos. Comme l'a si bien dit Rémi (contrebasse et chant) : « On va leur montrer ce que c'est que le rock français ! » 

Pas de doute : si l'occasion se présente, j'irai voir un concert entier de ces trois numéros avec plaisir.

Les Spunyboys laissent derrière eux une salle brûlante emplie d'un public qui n'attend qu'une chose : que la fête continue ! Pendant une quinzaine de minutes, il n'y a plus qu'à regarder les roadies préparer la scène pour Lee Rocker et ses musiciens. 


À 21h, la tension est à son comble : sur le morceau Great Balls of Fire de Jerry Lee Lewis (un grand nom du rock 'n' roll, décédé la veille du concert), trois musiciens entrent sur scène et s'installent avec leurs instruments : une splendide guitare Gretsch à paillettes roses, une sobre batterie noire et un piano droit. On salue, on va serrer quelques mains d'un air complice, on s'accorde, et Lee entre enfin sous un tonnerre d'applaudissements, vêtu d'une veste imprimée léopard et de santiags en peau de vache. Sans perdre une seconde, il attrape sa contrebasse et joue les quatre notes d'introduction du célèbre Stray Cat Strut, tube de son groupe d'origine. Sous les cris de joie, il entonne le premier couplet ; difficile de ne pas céder à l'envie de swinguer au rythme nonchalant de ce morceau respirant le panache et la frime tandis qu'il désigne le public en chantant : « I got cat class and I got cat style... »

Ce concert a été reporté deux fois en deux ans ; entre deux chansons, Lee ne manque pas de nous remercier d'être toujours là. Dans la foule, les spectateurs viennent de toute la France : en plus d'avoir été patients, ils ont fait du chemin pour voir ce grand nom du rock.

Si Lee Rocker est une légende à lui tout seul pour les fans de rockabilly, les musiciens qui l'accompagnent méritent aussi notre attention : le guitariste répète sans difficulté les superbes solos que Brian Setzer a composés pour les Stray Cats et le pianiste se lève vivement pendant ses improvisations, pris dans le feu de l'action. 

Pendant près d'une heure et demie, le groupe enchaîne des reprises de classiques du rock 'n' roll, des compositions de Lee Rocker ou des morceaux des Cats, faisant danser, chanter et crier la foule. Désormais âgé de 61 ans, Lee n'a peut-être plus toute l'énergie qui faisait sa renommée en 1981, mais il a encore une magnifique voix, une maîtrise impeccable de sa contrebasse et un certain sens du spectacle ; à défaut d'escalader son instrument, il se promène sur la scène avec, laissant les spectateurs toucher le bois vernis, il assure des solos énergiques et sait comment parler à son public pour maintenir une ambiance enflammée. 

Il est 22h20 lorsqu'après le rappel, la chemise gorgée de sueur, le Stray Cat salue une dernière fois la foule avec ses musiciens. Le batteur lègue ses baguettes à mon voisin tandis que Lee nous remercie à nouveau en français puis abandonne sa contrebasse sur la scène. Les quatre hommes s'éclipsent sous les applaudissements. Derrière, on crie « Vive le rock ! », puis le calme revient lentement et la foule se disperse, laissant derrière elle quelques gobelets de bière vides.

Après un dernier tour dans la salle, je décide de sortir. Autour de moi, on discute joyeusement du concert. J'aurais bien passé plus de temps à écouter les avis des uns et des autres, mais cette soirée riche en danse m'a épuisée ; c'est donc le cœur léger que je regagne le métro Pigalle, en pensant déjà à ma prochaine escapade musicale.


Pour aller plus loin...


La playlist rock 'n' roll 

★ Stray Cat Strut, Stray Cats ★ Rockabilly Boogie, Lee Rocker ★ None of My Business, The Spunyboys ★ Johnny B Goode, Chuck Berry ★  Rock 'n' Roll Blues, Eddie Cochran ★ A Big Hunk O'Love, Elvis Presley ★ Tutti Frutti, Little Richard ★


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